Contre les déficits, le gouvernement espagnol envisage des hausses d'impôts




imple ballon d'essai ou décision déjà bien étudiée ? Une polémique a immédiatement suivi les déclarations du ministre espagnol de l'équipement, José Blanco, qui, à la radio, le jeudi 20 août, a laissé entendre que le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero pourrait augmenter les impôts pour financer les mesures sociales et de relance face à la crise.

M. Blanco a bien précisé un peu plus tard qu'il s'agissait d'une "réflexion personnelle" répondant à la "démagogie" du Parti populaire (PP, opposition de droite), qui préconise, au contraire, un allégement de la fiscalité. Mais, faite par ce très proche collaborateur du président du gouvernement, dont il est le numéro deux à la direction du Parti socialiste ouvrier d'Espagne (PSOE), cette remarque a inévitablement lancé un débat à la veille des négociations parlementaires sur le budget.

José Blanco a indiqué que "s'il s'avère nécessaire d'augmenter certains taux d'imposition des personnes ayant le plus de revenus pour garantir la politique sociale et l'investissement public qui dynamise notre économie, il faudra le faire". Les revenus les plus élevés semblent visés, mais certains quotidiens évoquent aussi les revenus moyens. L'opposition conservatrice n'a pas tardé à dénoncer un projet qui aurait pour conséquence, selon le PP, de ponctionner d'abord les classes moyennes.

Ce qui est sûr, c'est que le gouvernement espagnol possède peu de marges de manoeuvre budgétaires. En excédant depuis 2005, les comptes publics espagnols sont brutalement passés dans le rouge avec la crise économique. Les manques à gagner fiscaux et sociaux, associés au financement du plan de relance (8 milliards d'euros supplémentaires ont été consacrés ces derniers mois aux travaux publics) ont détérioré le solde, au point que le gouvernement prévoit un déficit public de 9,5 % en 2009.

ENVOLÉE DU CHÔMAGE

Une hausse d'impôt constituerait un changement de pied complet de la part du gouvernement socialiste. Après son accession à la présidence du gouvernement, en 2004, M. Zapatero n'avait jamais renoncé à son axiome, formulé en 2003, selon lequel "baisser les impôts, c'est de gauche". Aidé par une croissance supérieure à 3 % et une augmentation constante du nombre d'emplois, le chef de l'exécutif a réduit, pendant son premier mandat à la Moncloa, les taux de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu. A peine reconduit en 2008, et alors que la crise pointait déjà, le chef de l'exécutif avait supprimé l'impôt sur le patrimoine, l'équivalent de l'impôt sur la fortune, et accordé une ristourne de 400 euros à chaque contribuable à l'impôt sur le revenu.

La violence du retournement de la conjoncture et sa durée l'ont contraint à réviser son credo. Il faut dire qu'avec un recul du produit intérieur brut de 1 % au deuxième trimestre par rapport au premier trimestre (- 4,1 % en rythme annuel), l'Espagne demeure dans le rouge pour le quatrième trimestre consécutif, au moment où l'Allemagne et la France amorcent un retour à la croissance.

En juin, déjà, les impôts sur le tabac et l'essence ont été augmentés. La déduction de l'impôt sur le revenu pour l'achat d'un logement prendra fin dès 2011. En juillet, M. Zapatero a admis que certaines "mesures" pourraient être nécessaires, mais qu'elles devraient être "conjoncturelles et très modérées". L'envolée du chômage, passé en moins de deux ans de 8 % à 17,9 % de la population active, assèche aussi les comptes publics. D'autant que le gouvernement a débloqué des aides supplémentaires comme une allocation de 420 euros par mois pour les chômeurs en fin de droits. Les syndicats demandent du reste que la mesure soit rétroactive.

Etroites économiquement, les marges de manoeuvre du gouvernement le sont aussi politiquement. M. Zapatero ne dispose en effet que d'une majorité relative au Parlement, et la recherche d'alliés pour faire adopter ses projets de loi se révèle chaque fois plus difficile. Il est peu probable qu'en pleine récession un projet de budget trouve plus aisément des partisans.)

Source: www.lemonde.fr