L'Espagne, le Portugal et la Grèce: les déficits publics alarment les Bourses


Les craintes nées des finances publiques grecques, espagnoles et portugaises se sont étendues vendredi. En Bourse, les actions ont de nouveau chuté, en particulier à Paris, où le CAC 40 a cédé 3,4 %.

La théorie du chaos semble à l'œuvre sur les marchés : les déboires grecs jouent le rôle du fameux battement d'aile du papillon qui provoque des phénomènes brutaux à l'échelle de l'Europe entière et même à l'autre bout du monde. Au-delà de la fébrilité qui s'est emparée des investisseurs ces dernières quarante-huit heures, la rechute des Bourses s'explique par une accumulation de risques.


La dette des États
Une dette publique qui pourrait atteindre 135 % de son produit intérieur brut en 2011, une mise sous tutelle par Bruxelles et un climat social tendu ont mis la Grèce sous les feux des projecteurs. En fait, l'accélération de la dégradation de la situation grecque n'a fait que donner corps à des inquiétudes latentes : depuis plus d'un an, la capacité des gouvernements à financer à la fois les sauvetages des banques et les plans de relance de l'économie suscite des interrogations. La quasi-faillite de l'Islande, la déroute de Dubaï ont été des signaux d'alarme.

Depuis le milieu de la semaine, la nervosité des marchés se traduit dans la valeur des «contrats d'assurances» des dettes publiques, vendus sous forme de CDS (voir graphique). Ces produits dérivés sont à la fois un thermomètre ultrasensible de l'humeur des investisseurs et un outil de spéculation qui amplifie la volatilité des marchés. Leur évolution brutale - voire anormale puisqu'aujourd'hui il coûte par exemple plus cher de s'assurer contre la faillite de l'Espagne que contre celle des entreprises espagnoles - participe au sentiment global de fragilité.


Quelle réalité a le risque souverain ? Certes, un État peut être en cessation de paiement. Et créer un choc sur les marchés obligataires, notamment chez les assureurs-vie et les fonds de retraite qui comptent sur les intérêts payés par leurs débiteurs pour verser les rentes de leurs propres clients.

La reprise menacée
Face au risque d'explosion du coût de leur dette, ou de fermeture du robinet des liquidités, les gouvernements n'ont guère d'autre choix que de remettre en ordre leurs finances publiques. En Grèce bien sûr, mais aussi en Irlande et en Espagne, on reparle de «rigueur» budgétaire. En France, en Allemagne et aux États-Unis, de «discipline».


Les banques fragilisées
Les premières victimes de la défiance des marchés à l'égard des dettes souveraines sont les banques, ce qui explique le recul particulièrement de leurs actions en Bourse depuis deux jours. Car leurs bilans sont lestés de dettes publiques. À plus forte raison depuis que la crise de liquidités les a mis au bord du gouffre fin 2008. Depuis, toutes les banques du monde n'ont de cesse que de maximiser la proportion de leurs actifs investis sur des titres liquides, c'est-à-dire mobilisables auprès des banques centrales : les emprunts publics ressortent par excellence de cette catégorie. Quand le risque attaché aux dettes souveraines augmente, le prix de ces titres de créances diminue et, avec elle, la valeur inscrite au bilan des banques.

«Ce n'est pas le principal risque, relativise cependant Jean Sassus, analyste chez Raymond James. Les investisseurs redoutent surtout que les banques des États visés rencontrent des problèmes pour se refinancer.»

Le coût auquel les banques empruntent elles-mêmes sur les marchés est en effet directement corrélé à celui payé par leur pays d'origine.

Enfin, surtout peut-être, cette crise de la dette souveraine intervient alors que la crise bancaire et même la crise du subprime ne sont pas purgées. Les établissements financiers restent fragiles, avec des comptes grevés dans des proportions variables par de lourdes provisions sur leurs actifs toxiques et sur leurs crédits rendus douteux par la crise économique.


La contagion aux entreprises
Dans le sillage des États et des banques, les actions des entreprises ont été entraînées dans la chute en Bourse. Plusieurs risques, nés de la fragilisation des dettes souveraines, les concernent en effet. Au plan financier, les entreprises connaîtront elles aussi un renchérissement de leur coût de financement, voire un assèchement des liquidités que les marchés leur ont mises massivement à disposition ces derniers mois. Or, si les groupes n'ont plus la possibilité d'emprunter directement auprès des investisseurs, les banques ne pourront pas s'y substituer. A fortiori si leurs marges de manœuvre sont entamées par leurs propres déboires. En termes d'activité, les entreprises qui commençaient enfin à sortir de la phase «déstockage» risquent de souffrir de tout nouvel accès de faiblesse de la conjoncture. D'autant plus qu'elles ont déjà fourni beaucoup d'effort en matière de réductions de coût. En dehors des valeurs bancaires et d'assurance, ce sont d'ailleurs les actions des entreprises les plus sensibles aux politiques de relance publique qui ont été les plus touchées par la déprime récente des Bourses.