En Espagne, équipe nationale contre fiertés régionales


Si le succès de la Roja en demi-finale du Mondial, mercredi 7 juillet, a provoqué un engouement exceptionnel dans toute l'Espagne, le "futbol" reste dans le pays une affaire régionale. Dans le monde des amateurs de football, la sélection nationale est le parent pauvre, derrière les clubs locaux – Real de Madrid et le FC Barcelone en tête.



Cette adhésion locale est particulièrement prégnante dans les régions à l'identité la plus marquée. En Galice, le Deportivo La Corogne tient le haut du pavé, surtout depuis que le club a commencé à briller dans les années 1990. Au Pays basque, l'Athletic Bilbao revendique fièrement sa différence en ne faisant jouer que des joueurs basques. Quant au FC Barcelone, il est l'emblème du particularisme catalan et, plus largement, le point de ralliement de tous ceux qui, de Séville à Valence, entendent montrer leur opposition au pouvoir de la capitale.

Le 13 mai 2009, cette importation des revendications régionalistes dans les stades a sauté aux yeux de tous les Espagnols : ce jour-là, à Bilbao, en finale de la Coupe du roi, les supporters du club basque et ceux du Barça sifflent de concert l'hymne national. Le signe d'un malaise évident que la télévision publique a d'ailleurs censuré.

Au fil des échecs répétés de la sélection nationale ces dernières décennies, cet esprit de clocher s'est renforcé. Le soutien des Espagnols aux aventures de la Roja ne remonte qu'à deux ans, avec le triomphe d'une génération talentueuse à l'Euro 2008 : avec les exploits des joueurs de Del Bosque, les clivages tendent à s'estomper. La récente victoire du onze espagnol contre l'Allemagne a même été fêtée par plusieurs milliers de Barcelonais. Loin, toutefois, des marées humaines qui ont envahi la capitale espagnole...

"MAIS AU FAIT, C'ÉTAIT L'ESPAGNE ?"

Les mauvaises langues attribuent même la joie des Catalans à la présence en sélection d'un important contingent blaugrana (bleu et rouge) – sept joueurs du Barça étaient alignés comme titulaires lors de la demi-finale. Une impression que ne démentent pas les titres de la presse catalane, focalisés sur la performance des Barcelonais. "Seul le capitaine du Barça pouvait marquer", écrit El Mundo deportivo le lendemain de la victoire. El Periodico de Catalunya rend hommage à "une Espagne belle, harmonieuse, fanatiquement fidèle à un style qui l'a propulsée à la porte de l'éternité". Pour aussitôt s'interroger : "Mais au fait, c'était l'Espagne ? Ou bien peut-être le Barça ?..." Interrogé sur le sujet, le sélectionneur Vicente del Bosque s'est montré agacé, mercredi soir : "L'Espagne ce n'est pas le Barça, ni le Real Madrid. Le triomphe d'aujourd'hui, c'est celui de tout le football espagnol."

La ville de Barcelone était l'une des rares du pays à avoir rechigné à installer un écran géant en plein air pour les supporteurs. Jeudi, elle a changé de fusil d'épaule, en annonçant qu'elle allait le faire pour la finale. Raison officielle : canaliser la foule et éviter des débordements...

Source: www.lemonde.fr