La Catalogne décide le futur politique de l'Espagne


Cinq millions d'électeurs votent dimanche pour élire un Parlement régional doté de larges pouvoirs.

Les cinq millions de Catalans appelés aux urnes pour élire les députés de leur Parlement régional devraient infliger ce dimanche un sérieux revers au gouvernement socialiste dirigé par José Luis Rodriguez Zapatero. Ce résultat signerait la fin de sept années de gestion de la gauche et le retour en force des nationalistes, battus en 2003 après vingt-trois ans de pouvoir. Six mois avant les élections municipales et le renouvellement de 13 des 17 gouvernements autonomes, un tel échec serait du plus mauvais augure pour le premier ministre espagnol. Le risque d'une spirale de défaites fait désormais trembler la gauche espagnole.

Dimanche, c'est pourtant par défaut que les nationalistes de Convergència i Uniò (CiU, centre droit) devraient remporter les élections. Selon les sondages, le taux d'abstention pourrait dépasser 50 %. Face aux nationalistes, la coalition de gauche sortante, le «Tripartit» (socialistes du PSC, indépendantistes d'ERC et Verts d'ICV), a mené campagne en ordre dispersé, comme convaincue de son propre échec. La Catalogne, l'une des communautés autonomes les plus riches d'Espagne, est touchée comme les autres par la crise. Son taux de chômage, 17,4 %, est à peine inférieur à la moyenne nationale et, comme le reste du pays, elle est coincée entre l'obligation de réduire les déficits et la nécessité de relancer la croissance.

Parodie de film X
Malgré les larges compétences dévolues au Parlement régional en matière de santé, d'éducation ou d'économie, le débat d'idées a brillé par son absence. À sa place, les électeurs ont assisté à une guerre de vidéos fantaisistes, le seul sujet qui a occupé la presse espagnole plusieurs jours de suite. Dans un spot électoral, une candidate conservatrice est ainsi apparue en peignoir, dans une parodie de film X. Pour sa part, le Partit dels Socialistes de Catalunya (PSC) a proposé à ses électeurs d'expérimenter un orgasme en déposant dans l'urne le bulletin de son représentant, le très austère José Montilla, président sortant. Enfin, la représentante de la droite espagnole, Alicia Sánchez Cámacho (Partido Popular, PP), est apparue dans un jeu vidéo, perchée sur une mouette - l'emblème de sa formation - et bombardant les principaux problèmes catalans dont… les immigrés !

Sexe, populisme et mauvais goût ont ainsi rythmé la campagne. Une stratégie classique de marketing, appliquée à la politique : face au désintérêt des électeurs, mieux vaut que l'on parle du parti pour le critiquer plutôt que l'on n'en parle pas. Les grands favoris du scrutin se sont au contraire gardés de ce genre de dérapages. Les sondages situent CiU à la lisière de la majorité absolue au Parlement, la chambre régionale. Son leader, Artur Mas, «a mené la campagne plus sérieuse de tous les partis, sans faire de grandes promesses», juge Josefina Elias, directrice de l'Institut Opina. En Catalogne, tous les analystes ont une lecture régionale de la probable alternance : les électeurs, lassés d'une coalition hétéroclite, demandent un gouvernement fort et cohérent face à la crise.