Côte d'Ivoire : l'ONU craint une guerre civile



La Côte d'Ivoire est sous tension, vendredi 17 décembre, après les affrontements de jeudi entre les forces de sécurité loyales à Laurent Gbagbo et les partisans d'Alassane Ouattara. Malgré l'échec de sa marche de jeudi, le camp d'Alassane Ouattara entend repartir à l'assaut de la Radiotélévision ivoirienne (RTI) et du siège du gouvernement à Abidjan pour mettre à bas le régime de Laurent Gbagbo. Au risque d'un nouveau bain de sang et d'un retour de la guerre civile. "Nous continuerons à défiler. Demain, nous essaierons de nouveau de nous rendre à la RTI", a déclaré jeudi soir un porte-parole de l'équipe de M. Ouattara, Patrick Achi.

A Abidjan, les affrontements de jeudi ont fait de neuf à trente morts, selon divers bilans, sans que ces chiffres puissent être confirmés de sources indépendantes. Dans la soirée de jeudi, un communiqué du gouvernement de Laurent Gbagbo faisait état de vingt morts (dix manifestants et dix membres des forces de l'ordre). Amnesty International relevait au moins neuf tués dans les rangs des partisans d'Alassane Ouattara. L'AFP a annoncé six morts. Le camp de M. Ouattara fait état "d'une trentaine de morts et de cent dix blessés". Les Forces nouvelles de Guillaume Soro, qui soutiennent M. Ouattara, ont annoncé deux morts et un blessé dans ses rangs dans les combats contre les Forces de défense et de sécurité (FDS) à proximité de l'Hôtel du Golf, qui abrite le QG de M. Ouattara.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a mis en garde, jeudi dans une déclaration, les auteurs d'attaques contre des civils : "Les membres du Conseil de sécurité avertissent toutes les parties que ceux qui seront tenus pour responsables d'attaques contre des civils seront traduits en justice, en accord avec la loi internationale." Jeudi soir, quelque huit cents casques bleus étaient postés autour de l'Hôtel du Golf pour sécuriser le QG de M. Ouattara.

D'AUTRES VIOLENCES À YAMOUSSOUKRO

D'autres affontements ont eu lieu jeudi après-midi dans le centre du pays, à Tiébissou, à 40 kilomètres au nord de la capitale politique, Yamoussoukro. Une colonne de 4 × 4 transportant des membres des Forces nouvelles a tenté de franchir un poste de contrôle des FDS, a indiqué à l'AFP une source militaire ivoirienne. "Ils ont tiré plusieurs roquettes [de type RPG7] sur notre position, et nos éléments ont riposté. Ils se sont repliés pour revenir", a affirmé cette source sous le couvert de l'anonymat. Des habitants fuyant la ville ont déclaré que les échanges de tirs avaient duré trois heures au moins.

Les Forces nouvelles affirment que sept des leurs ont été blessés par balles, alors que le porte-parole de l'Opération des Nation unies en Côte d'Ivoire (Onuci), Hamadoun Touré, avait indiqué que les violences avaient fait une vingtaine de blessés, dans la capitale politique.




CRAINTE D'UN RETOUR À LA GUERRE CIVILE

Devant l'affrontement prévisible, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a prévenu qu'il "engagerait des poursuites" contre quiconque serait responsable de violences meurtrières, dans un entretien à la télévision France 24.

La France, elle, a appelé "à la retenue de part et d'autre". La ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a confirmé que Paris n'avait pas l'intention d'intervenir militairement en cas de violences. Dans ce cas, s'interposer, "c'est le devoir de la communauté internationale. L'ONU à travers l'Onuci, c'est-à-dire les forces internationales [en Côte d'Ivoire], est là pour essayer d'éviter la violence", a-t-elle dit.

Environ neuf cents soldats français de l'opération Licorne sont déployés dans le pays, avec pour mission de soutenir les forces des Nations unies. Ces soldats sont en capacité d'évacuer les quelque quinze mille ressortissants français si nécessaire, a indiqué Alain Juppé, ministre de la défense.

Tout comme la France, une vingtaine d'ONG – parmi lesquelles la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme et Human Rights Watch – ont lancé un appel au calme aux deux camps. Elles estiment à "plusieurs dizaines" le nombre de morts dans le pays depuis le scrutin.

Alors que le chef de l'ONU, Ban Ki-moon, redoute un "retour à la guerre civile" dans ce pays coupé en un Sud aux mains du camp Gbagbo et un Nord contrôlé par les Forces nouvelles depuis le coup d'Etat manqué de 2002, l'armée a averti qu'elle tiendrait les Nations unies, qui selon elle soutiennent la marche, pour responsables d'éventuelles violences.

Paris n'écarte pas la possibilité de sanctions européennes envers Laurent Gbagbo mais lui laisse une chance d'y échapper s'il accepte de quitter le pouvoir de son plein gré. Selon un responsable américain, Washington, Paris et les puissances africaines ont donné à Laurent Gbagbo quelques jours pour quitter la Côte d'Ivoire, sous peine de s'exposer à des sanctions. "C'est sans doute la première fois que les Américains s'impliquent autant en Côte d'Ivoire", souligne une source proche du gouvernement français à Paris.

Source: www.lemonde.fr