En Espagne, la «génération perdue» s'indigne dans la rue


Alors que les élections locales se tiennent dimanche de l'autre côté des Pyrénées, des milliers de jeunes organisent des sit-in dans 57 villes en bravant les interdictions. Ils protestent contre le chômage de masse et «la corruption des politiciens».

La rigueur économique, le chômage de masse et l'imminence des élections locales a provoqué, depuis dimanche dernier, l'émergence d'un large mouvement populaire parmi la jeunesse espagnole cette semaine. «Los indignados», autrement dit les Indignés, comme ils se surnomment, occupent depuis dimanche dernier la place madrilène Puerta del Sol. Le mouvement s'est répandu à travers l'Espagne sous le mot d'ordre «Toma la plaza» (Prend la place). Il est présent dans 57 villes, a compté le quotidien espagnol el Pais.

Cette mobilisation spontanée, aussi appelée Mouvement du 15 mai, s'est organisée, comme les révoltes arabes, via les réseaux sociaux en ligne Twitter et Facebook et sur le principe du «droit à s'indigner». Mercredi soir, El Pais avait dénombré 10.000 participants à Madrid. Les mots d'ordre: la mainmise des grands partis sur la vie politique espagnole, l'injustice sociale et la «corruption des politiciens». En toile de fond, un taux de chômage de 21,19%, le plus élevé de la zone euro, qui touche presque la moitié des moins de 25 ans.

«J'ai beaucoup de respect pour ces personnes qui manifestent, ce qu'ils font de manière pacifique, et je comprends bien que cela est dû à la crise économique, à leur désir de trouver un travail», a déclaré ce vendredi le premier ministre socialiste sortant Zapatero à la radio Cadena Ser. La Commission électorale a toutefois interdit les rassemblements ce week-end, la loi prohibant tout acte de propagande la veille et le jour du scrutin. Le gouvernement pourrait décider d'annuler cette décision. Il se prononcera samedi. «Cela se fera de la bonne manière, de façon intelligente, en garantissant tous les droits et après une journée de réflexion», a assuré Zapatero.

«Un cri muet»
De leur côté, les manifestants madrilènes devaient convoquer une assemblée générale pour décider de la suite du mouvement. «Nous n'avons pas encore pris de décision officielle mais je peux vous dire que je suis sûr que nous resterons sur la place demain», a déclaré vendredi Chema Lopez, l'un des porte-parole. De toute façon, «ils ne peuvent pas nous chasser à coup de pieds, les dirigeants politiques ne le permettraient pas, cela leur donnerait une mauvaise image juste avant les élections», souligne une participante.

«Nous ne voulons pas renverser les politiciens, juste les ramener au niveau des préoccupations de la rue», a expliqué à El Pais Gandara, un des porte-parole du mouvement. «Nous ne sommes ni des anarchistes, ni des opposants au système. Nous sommes justes des gens normaux.» Ils réclament une forme de démocratie participative. À minuit vendredi soir, les manifestants sont appelés à s'immobiliser dans «un cri muet», la bouche scotchée.

Source: www.lefigaro.fr