Tuerie de Toulouse : un dispositif de sécurité et d'investigation hors norme


Depuis trente ans qu'il travaille à la police de Toulouse, Gilles Rouzief, secrétaire adjoint du syndicat Alliance Midi-Pyrénées, n'a "jamais vu un tel déploiement pour une enquête". Le tueur des trois militaires de Toulouse et de Montauban, et des quatre personnes, dont trois enfants, de l'école juive de Toulouse, est probablement, à l'heure qu'il est, l'homme le plus recherché de France. "L'ensemble des acteurs policiers et judiciaires sont mobilisés sur le terrain", a déclaré François Molins, procureur de la république de Paris, mardi 20 mars.

L'enquête s'oriente vers un homme dont le profil commence à se dessiner à travers des témoignages et des analyses de son mode opératoire. On sait de lui qu'il a agi avec un scooter de marque Yamaha et de type T Max 530, une arme de calibre 11,43, qu'il fait feu à bout portant sur ses victimes, qu'il agit avec calme et professionnalisme. On craint de lui qu'il ne récidive : selon François Molins, "il s'agit d'un individu extrêmement déterminé, qui se sent traqué et qui est susceptible de passer de nouveau à l'acte". D'après lui, "Toutes les pistes sont encore ouvertes".

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Ceci explique donc le déploiement d'un dispositif de sécurité maximal, coordonné par le ministre de l'intérieur présent à la préfecture de Toulouse jusqu'à jeudi au moins, selon le syndicat policier Alliance. Trois enquêtes, qui portent donc sur les trois tueries du 11, du 15 et du 19 mars ont été regroupées sous l'égide du Parquet antiterroriste de Paris.

L'enquête. Coordonnée par la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), l'enquête mobilise la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur). Selon le procureur de Paris, deux cents enquêteurs sont mobilisés à Toulouse.

Les services de la défense, dont la Direction de la protection et de la sécurité (DPSD), y participent également. "La DPSD gère la sécurité des biens, des personnels et des implantations de la défense. Cela rentre totalement dans le cadre de leurs compétences, ils peuvent apporter leur connaissance du milieu militaire", souligne-t-on au ministère de la défense. Ce service travaille notamment sur les dossiers personnels des militaires et l'environnement local des implantations militaires.

Par ailleurs, des profileurs, autrement appelés "analystes en comportement", issus du privé, et des analystes criminels de la police ont été appelés à Toulouse pour aider les enquêteurs à cerner le profil du tueur.

Lire la note de blog "Des profileurs appelés à la rescousse à Toulouse"

Si "des milliers de vérifications" ont déjà été faites, le procureur de Paris a expliqué que 7 800 heures de vidéosurveillance restent encore à exploiter rien qu'à Montauban. Des enquêteurs spécialisés dans l'informatique se penchent également sur l'annonce publiée sur Internet par le premier militaire tué pour vendre sa moto, peu avant le crime, ainsi que sur d'éventuelles images des tueries qui pourraient être diffusées - il est en effet possible que le tueur ait porté une caméra de type GoPro pour filmer ses actes, même si le procureur n'a pas pu formellement confirmer cette information.


Déclenchement du plan Vigipirate écarlate. Sur le terrain, le niveau d'alerte écarlate, le plus élevé du plan Vigipirate, a été activé lundi en Midi-Pyrénées, une première en France. Destiné à prévenir un risque d'attentat majeur, ce niveau d'alerte implique, selon la préfecture, la "surveillance et protection des lieux de culte israélites et musulmans, des écoles et commerces liés aux confessions juives et musulmanes ainsi que des sites militaires, des gares SNCF et de l'aéroport".

Le plan Vigipirate écarlate a également été déclenché mardi dans le Lot-et-Garonne, département limitrophe de la région Midi-Pyrénées, qui se trouve sur l'axe autoroutier et ferroviaire reliant Toulouse à Bordeaux, les deux grandes villes du Sud-Ouest. A Agen, tous les trains en provenance et en partance de Toulouse sont aussi sous surveillance, a précisé une source policière. Un contrôle particulier est en outre instauré autour du 48e régiment de transmissions basé à Agen, qui sera bientôt en mission en Afghanistan.


Le RAID et 14 compagnies de forces mobiles. En plus des vingt-cinq hommes de l'unité d'élite de la police, le RAID, qui ont quitté leur base de Bièvres pour rejoindre Toulouse, le préfet de la zone sud-ouest, Patrick Stefanini, a annoncé mardi le déploiement de plus d'un millier de membres des forces mobiles.

Au total, ce sont quatorze compagnies de CRS et de gendarmes mobiles, comprenant entre soixante-dix et quatre-vingts personnes chacune, qui sont déployées, dont sept en Haute-Garonne et sept réparties sur l'ensemble des départements de Midi-Pyrénées, le Lot-et-Garonne et l'Aude. Selon Gilles Rouzief, trois compagnies supplémentaires seront mobilisées à l'occasion des funérailles des militaires à Montauban mercredi.

Ces effectifs viennent s'ajouter au personnel des commissariats de Toulouse déjà affectés en temps normal. Les policiers locaux ont reçu l'autorisation de porter une arme en journée (ils ne le sont normalement que la nuit, ou pour des missions spécifiques). "Tous les congés ont été annulés, on est à 100 % des effectifs", note Gilles Rouzief. Alors que les policiers de la région assurent en priorité les contrôles et patrouilles dans les lieux stratégiques (gares, routes...), "car ils connaissent mieux le terrain", selon lui, les CRS et gendarmes mobiles déployés sont plutôt en charge de la "garde statique", autour des écoles et des lieux de culte notamment.

Enfin, un dispositif de surveillance a également été mis en œuvre autour des implantations militaires. Le ministre de la défense Gérard Longuet a donné mardi "des instructions précises" aux principaux responsables militaires du grand Sud-Ouest, sur les mesures à prendre pour garantir la sécurité des militaires, ainsi que sur leur participation aux opérations menées dans le cadre du plan Vigipirate.

Le procureur de la République fait le point sur l'enquête
François Molins, le procureur de la République de Paris, a tenu mardi 20 mars une conférence de presse pour faire le point sur les éléments de l'enquête sur les fusillades de Toulouse et de Montauban. Il a tout d'abord a souligné que les trois attaques constituaient des actes prémédités et de "terrorisme au sens juridique". "Les circonstances de commission de ces trois tueries ont troublé gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et peuvent caractériser des actes de terrorisme au sens de la définition contenue dans notre code pénal", a-t-il expliqué. François Molins est également revenu sur le mode opératoire du tueur."Toutes les victimes décédées ont été tuées à bout touchant et au niveau de la tête", a-t-il déclaré, précisant que le tueur est "un individu extrêmement déterminé, ayant toujours le même mode opératoire, dont l'action est préméditée". François Molins a, de plus, indiqué que l'auteur des trois attaques se savait "traqué" et était "susceptible de passer à nouveau à l'acte". "On a tous noté la périodicité" de quatre jours entre les meurtres, mais il n'y a pas de certitude, a-t-il encore dit. Le procureur a enfin indiqué que les enquêteurs avaient procédé à des centaines d'auditions, mais qu'aucune garde à vue n'avait encore eu lieu.

Source: www.lemonde.fr